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Femme nue au bonnet turc |
La première, au Mucem, Picasso
et les ballets russes, entre Italie et Espagne, est d’ordre
monographique. Par sa dimension folklorique elle fait écho à Picasso et les arts populaires,
proposée ici même voici deux ans. Outre les créations de Picasso, elle présente,
concentrés dans une unique salle, de très nombreux documents et objets d’art, en
rapport tant avec la chorégraphie que le
théâtre napolitain. Pour la plupart, ils proviennent du musée de Capodimonte
(Naples). Dans les années qui marquent la fin du premier conflit mondial,
Picasso visite Naples en compagnie de Sergeï Diaghilev, afin de préparer les
décors et les costumes de quatre ballets : Parade (1917), Tricorne
(1919), Pulcinella (1920) et Cuadro Flamenco (1921). Comme toujours
Picasso va puiser dans les traditions locales (affiches, marionnettes de la
Comédia dell’Arte) pour imaginer des formes et des couleurs magnifiant ses
sujets. Papiers découpés, encres, gouaches, aquarelles : tout lui est bon
pour exprimer une créativité jaillissante et néanmoins orientée vers la
finalité de la scène. Si les grands mannequins ornementés de Parade captent inévitablement
l’attention du visiteur, on ne passera pas sous silence la beauté intrinsèque
de certaines planches de petits formats qui, avec leurs personnages chamarrés,
évoquent des cartes à jouer. Du reste, cette exposition est aussi l’occasion de
découvrir d’autres expressions remarquables
comme, à la même époque, les
marionnettes et les dessins futuristes de l’artiste napolitain Fortunato
Depero.
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Projet de costumes pour le ballet Tricorne
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Si Picasso, malgré quelques
périples en Europe, ne fut pas vraiment un artiste voyageur, il sut tirer
profit de toutes les informations qui lui parvenaient quotidiennement, en
particulier sous la forme de cartes postales – une vitrine toute entière leur
est consacrée ici. Cette appréhension immobile du monde est un peu le fil
d’Ariane de la seconde exposition, Picasso,
voyages imaginaires, présentée à la Vieille Charité. Projet ambitieux et
bien documenté qui ne rassemble pas moins de 292 pièces réparties, selon un
souci diachronique, sur cinq salles. Apportent-elles un regard nouveau sur
l’œuvre de Picasso ? Rien n’est moins certain, malgré le plaisir que l’on
prend à voir (ou à revoir) ses sculptures en bronze ou en bois (Le fou, Buste de Fernande), ses grands
dessins d’inspiration néo-classique (Trois
femmes à la fontaine, La source)
ou ses réécritures tardives des chefs d’œuvres de ses aînés (L’enlèvement des Sabines, de Poussin, Les femmes
d’Alger, de Delacroix). Il suffit d’ailleurs d’examiner les intitulés
respectifs de ces cinq sections pour retrouver, chaque fois, un aspect ou une
époque désormais sans mystère de l’œuvre picassienne. Derrière La Bohème Bleue c’est bien sûr la période
de la même couleur dont il est question. Ou de l’art africain derrière L’Afrique fantôme – titre d’un beau
livre de Michel Leiris, ami et correspondant de Picasso. Ces considérations n’évincent pas l’intérêt esthétique de cette
exposition ni la richesse de ses prêts. Elles disent simplement la difficulté qu’il
y a à trouver, en 2018, des éclairages originaux sur cette œuvre, certes
fascinante mais archi- commentée. Ce qui est, convenons en, le problème
spécifique des curateurs.
Du 16 février au 24 juin
2018. Informations et réservations sur www.marseille.fr
Jacques LUCCHESI
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