
Si l’art contemporain chinois a connu en
occident un engouement considérable au cours des deux dernières décennies, le
public cultivé serait bien en peine de citer spontanément les noms de ses
représentants les plus cotés. Aucun artiste ne s’est vraiment détaché pour
atteindre une notoriété internationale, à l’exception d’Ai Wei Wei (né en 1957). Cette célébrité, le plasticien chinois la
doit bien sûr à son travail multiforme, mais aussi à son activisme, à travers
les réseaux sociaux, en faveur de la liberté d’expression et des Droits de
l’Homme. En ce domaine, nous le savons, l’état chinois ne s’embarrasse guère de
scrupules. Pour tenter de bâillonner son enfant terrible, il n’a rien trouvé de
mieux que de le faire emprisonner quelques semaines en 2011. Le phénomène Ai
Wei Wei était lancé et l’artiste (qui vit maintenant à Berlin) est rapidement
devenu un symbole de la liberté dans le monde entier.
Dans la mouvance de Marcel Duchamp et de ses fameux
ready-made, Ai Wei Wei refaçonne les objets quotidiens pour y faire passer un
peu de ses préoccupations politiques. Ainsi en va-t-il pour les premières
phrases de la Déclaration des Droits de l’Homme inscrites dans la pate de deux
énormes savons de Marseille, en début de parcours : une manière ironique
de dire qu’elles peuvent être facilement gommées. Là, c’est une maison
traditionnelle chinoise qu’il a recréée grandeur nature, par opposition à la
frénésie immobilière qui caractérise la Chine d’aujourd’hui. Ailleurs, sa
critique du pouvoir s’exprime en de petites sculptures, comme ces caméras de
surveillance en marbre, ces menottes en jade ou même cette bombe lacrymogène
directement importée de la jungle de Calais. Ce qui reste, sous l’angle
émotionnel, en deçà de ces ossements humains prélevés dans un camp de travail
chinois et qui sont exposés tels quels sous un couvercle en verre.
L’artiste ne s’efface pas
toujours derrière ses créations, comme on peut le voir dans trois grandes
sérigraphies où il s’est mis complaisamment en scène. Voici, un peu plus loin,
la sculpture de son bras et de sa main faisant un doigt d’honneur. Une geste
provocateur que l’on retrouve dans deux de ses photographies de perspectives. Le
trublion, cependant, revient à une problématique plus grave avec cet immense
conteneur en bois, reproduction fidèle de celui dans lequel des adolescents
chinois furent mortellement enfermés, voici quelques années. Ou en empilant des
pneus qui furent des bouées de sauvetage de migrants à l’approche des îles
grecques. Et c’est encore la rapacité occidentale qu’il dénonce en exposant
douze grands bronzes animaliers symbolisant le zodiaque chinois.

Jusqu’au 12 novembre 2018.
Informations sur : www.mucem.org
Jacques LUCCHESI
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