Qriosa ou l’érotisme sans complexe à la galerie Pentcheff



  On ne parle plus beaucoup d’érotisme en notre époque et c’est en soi symptomatique. Manifestement, nos contemporains ont à l’esprit d’autres préoccupations. Des passions tristes surtout, comme la peur (du terrorisme, des migrants, du réchauffement climatique) ou la colère (contre les inégalités sociales). Et lorsqu’on évoque publiquement la sexualité, c’est pour en fustiger ses dérives perverses (comme la pédophilie).
Et pourtant l’érotisme reste une expérience fondamentale de la vie humaine. Même s’il a partie liée avec la sexualité, il ne se confond pas avec elle. Il la transcende, l’esthétise et la singularise jusqu’à en faire cette « science individuelle », selon le mot du poète Robert Desnos.
Dans ces conditions, organiser à Marseille une exposition célébrant l’érotisme relevait de la gageure. Ce défi, ce sont Giulia et Alexis Pentcheff qui l’ont relevé, faisant entrer dans leur coquette galerie des œuvres dont même les amateurs d’art ne soupçonnaient pas l’existence. Des œuvres en deux ou trois dimensions, émanant d’artistes anciens ou contemporains, mais qui ont toutes en commun l’apologie du plaisir sous toutes ses formes.
Prenons par exemple René Seyssaud. Derrière l’admirable paysagiste, il y avait aussi un artiste se libérant de ses fantasmes sexuels dans d’élégants travaux sur papier. Fellation, masturbation, sodomie : rien n’était pour lui trop audacieux à représenter. Aussi faussement innocent que soit le  Nu allongé dans la forêt de Moïse Kisling, il fait pâle figure à côté des sanguines et des huiles du vieux fauve provençal. Tout comme la fresque de Ben Vauthier dédiée à Félix Faure – seul président de la république à être mort en galante compagnie -, même si elle nous surprend par son style grécisant. Une mention, tant pour la finesse de ses dessins que l’humour de ses titres, pour Petites luxures.











Evidemment, c’est différent quand on se tourne vers la photographie. Explorateur méticuleux du Paris nocturne, Brassaï ne pouvait ignorer ses lieux de plaisir. Sa série dédiée au fétichisme vestimentaire fait songer, avec quelques décennies d’avance, aux délires visuels d’un Pierre Molinier. Autre surprise de cette exposition, la présence de l’artiste belge Wim Delvoye à travers trois de ses fameuses radiographies (d’actes sexuels), détournement malicieux de cette technologie médicale. Quant à Jean Ferrero, sa préférence va à la nudité masculine qu’il met en scène en noir et blanc.
Je ne terminerai pas ce bref panorama sans citer le magnifique bronze de Jan Fabre qui représente deux hémisphères cérébraux surmonté d’un pénis en érection. Que le cerveau soit le premier organe sexuel, nous le savions depuis longtemps ; encore fallait-il oser en donner une allégorie probante.
Loin de se cantonner à des mièvreries académiques, cette exposition habilement scénographiée explore comme jamais le désir érotique sublimé par la création artistique. Il faudrait être bien déprimé pour ne pas aller à sa découverte.

Jusqu’au 13 juillet 2019. Tous renseignements sur : www.galeriepentcheff.fr





    Jacques LUCCHESI

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