Mucem: Jeff Koons et les arts populaires







Plus encore que la nature et ses multiples déclinaisons, minérales, végétales et animales, les objets standardisés sont le véritable écosystème de l'homme moderne. A leur manière, ils constituent une nouvelle catégorie d'êtres qui complètent notre humanité, répondant à ses désirs infinis. Jeff Koons (né en 1955) l'a vite compris, lui dont le père était décorateur. Cette fascination précoce pour les objets, il n'aura de cesse de la mettre en œuvre et de la sublimer à travers sa propre production artistique. Déjà bien préparée par les Nouveaux Réalistes et le Pop-Art, la société moderne s'est vite reconnue dans son esthétique, à priori futile, et lui a fait le succès que l'on connaît. Aujourd'hui, l'artiste vivant le plus cher au monde fait événement partout où il expose.


En ce printemps 2021 c'est Marseille qui lui déroule le tapis rouge avec une exposition dont seul le Mucem était capable. Tenter un dialogue entre les œuvres de Jeff Koons et les vieux objets traditionnels que recèle ce musée : le projet est pour le moins original et ambitieux. L'artiste américain a été aussitôt séduit par cette proposition et s'est énormément investi dans sa concrétisation. Au cours d'un séjour à Marseille en 2019, il a découvert avec émerveillement les trésors des collections d'art populaire. Avec le concours d'Emilie Girard et Elena Geuna, commissaires de l'exposition, il a opéré les rapprochements les plus significatifs avec son propre travail.

Le résultat est aujourd'hui ce parcours en treize sections agréablement scénographié par Pascal Rodriguez. Vingt œuvres de Jeff Koons, pour la plupart sorties de la Collection Pinault (l'exception de Bourgeois Bust/ Jeff et Iiona prêté par la National Gallery of Scotland), voisinent ici avec trois cents objets populaires ; de ceux dont le temps finit toujours par faire ressortir la richesse artistique.

Ils ne manquent pas de fantaisie, ces pichets de céramique à face humaine qui semblent reluquer le Travel-Bar en acier inoxydable dans la salle 2. Tout comme ces sculptures de manège, figures de sirènes, de cerf, de cheval ou de cochon, que l'on trouve dans les salles 8 et 11. Et l'on peut admirer pour leur beauté en soi cette enseigne de maréchal-ferrant de 1878 (salle 3) ou cette belle armoire chamarrée de forain (salle 10). Mais il faut reconnaître que l'attention des visiteurs va spontanément aux sculptures de Jeff Koons, surtout quand elles sont aussi emblématiques que Balloon Dog (salle 4), Hanging Heart (salle 5), Lobster (salle 9) ou Bluebird Planter (salle 13) qui ajoute à sa monumentale beauté de vraies fleurs quotidiennement renouvelées.


Une exception, néanmoins, dans la salle 6, quand c'est Picasso qui devient son interlocuteur silencieux avec un pichet en terre cuite (Le peintre et deux modèles, 1954), mais aussi l'inspirateur de Koons dans son tableau Gazing Ball.

Car cette exposition, et ce n'est pas son moindre mérite, nous rappelle que Jeff Koons n'est pas moins habile à transcrire son univers mental sur la toile, comme l'attestent Backyard (salle 10) ou Elephants (salle 7). Une exposition idéale pour retrouver le chemin des musées. Et, peut-être aussi, pour réfléchir sur l'absurdité des frontières dans les arts.


Jeff Koons Mucem, jusqu'au 18 octobre 2021. réservations par téléphone au : 04 84 35 13 13, ou par mail à : reservation@mucem.org/mucem.org



Jacques Lucchesi






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