Nul n’est prophète en son pays : le vieil
adage bien connu s’applique aussi à ceux que le désir d’art
travaille depuis leur jeunesse. Et les chemins qu’il emprunte sont
souvent aussi mystérieux que la vie même. Ainsi en va-t’il pour
Cyril Moumen. Quoique né à Marseille il y a quelques décennies,
c’est à Londres que cet homme élégant et affable a trouvé son
Eldorado, ouvrant et exploitant avec succès une galerie, tout en
participant aussi à de nombreuses foires d’art contemporain. De
quoi se constituer une expérience et un réseau appréciables.
Entre-temps, Marseille a beaucoup changé. Les expressions
artistiques les plus en pointe s’y sont fait une place à côté
des valeurs traditionnelles. Aujourd’hui, c’est dans le quartier
du port et la rue de la République que leur centre de gravité s’est
déplacé. D’où le choix, pour Cyril Moumen, d’ouvrir (en lieu
et place d’un commerce de fringues) cette gallery Nosco – sa
galerie – pour y exposer des artistes en symbiose avec sa vision de
l’art. La présence, en cet automne, d’Alberto Casari reflète
cette dynamique internationale des échanges artistiques propre à
notre modernité.
Plasticien péruvien d’origine italienne, Alberto
Casari (né en 1955 à Lima) est d’abord un touche-à-tout surdoué,
qu’il aborde le design, la peinture, la sculpture ou l’écriture
- il a ainsi revisité pour son propre compte la pratique littéraire
des hétéronymes). A Paris et à Florence, où il a vécu dix-sept
ans, il s’est imprégné, non seulement des maîtres de la
Renaissance mais aussi de courants plus contemporains comme l’Arte
Povera, tirant une vigueur nouvelle pour poursuivre sa propre quête.
Les dix œuvres textiles qu’il présente ici ne sont sans doute
qu’un tout petit aspect de son travail, mais elles en disent long
sur son sens de la transmission, puisqu’elles s’inscrivent
ouvertement dans la tradition pré-colombienne. Qu’il travaille sur
des bâches ou des toiles de jute, Alberto Casari exploite toutes les
particularités de son matériau, multipliant les superpositions de
tissu et les ruptures dans la surface, jouant avec les symboles
(cercles, triangles), exaltant les tons vifs (rouge et jaune, en
particulier) afin de donner à ses créations l’entière dignité
de la peinture. Chacun pourra juger ici de sa maîtrise à travers la
beauté de cet accrochage, véritable caresse pour le regard.
La prochaine exposition de la Gallery Nosco sera
consacrée à un artiste égyptien, Ibrahim Ahmed, dont le travail
pictural s’ancre dans une réflexion sur l’exil et les
frontières. Une continuité de choix qui, à travers l’art,
accorde Marseille aux rythmes profonds du monde d’aujourd’hui.
Jacques LUCCHESI
(Article initalement publié sur le webmag de Toutma)
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