Depuis deux siècles maintenant, le sud de
l’hexagone n’a cessé d’aimanter les
peintres, qu’ils soient français ou étrangers. D’ailleurs sa luminosité
naturelle, tout comme les variations de ses littoraux et de ses reliefs,
restent toujours une puissante incitation à peindre – c'est-à-dire à les
traduire avec des couleurs. Ces peintres, pour la plupart, travaillaient sur le
motif et, quelques soient leurs choix esthétiques, leurs compositions se plaçaient sous le principe de représentation. A cette règle seul Cézanne fit tardivement exception avec
ses vues épurées de la Sainte Victoire. Mais ce sera Nicolas de Staël qui, amoureux lui aussi de la Provence, en donnera
les visions les plus abstraites un demi-siècle plus tard. Pour ce fils d’exilés
russes, l’abstraction s’imposa à lui sitôt entré en peinture. Sonia Delaunay et Alberto Magnelli l’encouragèrent sur cette voie, de même que la
galeriste Jeanne Bucher qui
accueillera ses premières expositions.
C’est un peintre en pleine
possession de ses moyens qui arrive à Lagnes
puis à Ménerbes en 1953. Il ne va
passer dans notre région qu’une année
mais cette période va être la plus prolifique de sa vie. Elle sera l’occasion,
aussi, d’une correspondance avec le poète René Char. Pas moins de 254 tableaux
et 203 dessins prendront forme ici. Tel un moine dans sa thébaïde, de Staël se
tient prêt, chaque jour, à accueillir les fulgurances de son esprit qu’il va
transformer en autant de toiles. Une osmose se produit entre sa sensibilité
artistique et la nature environnante, sèche et minérale. Sa retraite provençale
sera, néanmoins, entrecoupée par un long séjour en Italie – surtout en Sicile –
d’où il reviendra chargé d’impressions créatrices.
L’exposition qu’organise, en
ce printemps 2018, l’Hôtel de Caumont
(avec le concours de la fondation Culturespaces)
s’attache à scruter cette prodigieuse année dans la trop brève existence de
Nicolas de Staël. Conçu par Gustave de Staël et Marie du Bouchet, ce parcours ne
présente que 71 tableaux et 26 dessins de sa production mais c’est
néanmoins suffisant pour introduire le visiteur dans cet univers pictural.
Qu’il travaille sur le motif ou en
atelier, de Staël découpe plan après plan l’espace du tableau ; et sa
palette, qui fait la part belle aux bleus et aux verts, ne s’interdit pas des
expériences chromatiques originales, comme cet Arbre rouge (1953) avec ses feuilles en forme de plaques sanglantes
disposées en aplats sur le ciel. Son voyage en Sicile va se traduire par une
accentuation des contrastes entre les
couleurs primaires, notamment dans les grandes huiles de la série Agrigente. La présence à Ménerbes
de Jeanne Polge, sa muse et son amante, lui inspirera quelques nus quasi
fantomatiques, en symbiose avec le décor naturel à l’arrière-plan. On trouve
également des marines tout aussi géométrisées que ses
paysages (Bateaux rouges, 1954),
traces des fréquentes venues du peintre à Marseille et à Martigues.
Cette
exposition, agréablement scénographiée par Hubert Le Gall, se termine par des
variations sur la lumière nocturne qui mettent en valeur la force chromatique
du noir (Les nuits d’Agrigente). Une
vidéo de sept minutes complète ce panorama, soulignant la place essentielle de
Nicolas de Staël dans l’école abstraite française au lendemain de la
Libération.
Du 27 avril au 23 septembre
2018. 3 rue Joseph Cabassol, 13100 Aix-en-Provence. Tous renseignements
sur : www.caumont-centredart.com
Jacques LUCCHESI
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