Enfant de la Belle de Mai, César Baldaccini
dit César (1921-1998) est sans aucun doute une figure emblématique de l’immigration
italienne au début du XXeme siècle. C’est aussi l’un des plasticiens français
les plus connus à l’étranger, figure majeure des Nouveaux Réalistes au
lendemain de la Libération. Toutefois, c’est dans les années 60, avec l’essor
de la société de consommation, que ses compressions métalliques lui vaudront
une célébrité mondiale. Belle revanche pour le gamin pauvre qu’il fut.
Pourtant
rien ou presque, dans sa ville natale, ne rappelle la présence de cet audacieux créateur. Il y a
bien, à l’avenue de Hambourg, son gigantesque Pouce doré, mais il ne semble là
que pour signaler la présence du MAC voisin. Aucun musée ne lui a été consacré
depuis son décès, alors même que le
projet avait été maintes fois envisagé par les édiles successifs. Et si le
centre Georges Pompidou a organisé, durant l’hiver dernier, une rétrospective César
très remarquée, à l’occasion des vingt ans de sa disparition, les musées de Marseille
ont préféré miser une nouvelle fois sur Picasso.
Dans ces conditions, l’initiative
ne pouvait que revenir à une galerie privée. C’est la galerie Pentcheff qui a
relevé le défi, début juin, comblant ainsi une énorme lacune. Une cinquantaine
d’œuvres, pour la plupart issues de collections privées, ont été rassemblées
ici dans un esprit résolument éclectique. Loin de s’attarder sur une période du
sculpteur, elle montre l’évolution et la polyvalence de son travail en deux et
trois dimensions (on appréciera quelques belles encres semi-abstraites). César
fut aussi un infatigable récupérateur d’objets quotidiens, comme le montrent
plusieurs de ses tableaux intégrant cafetières, allumettes et paquets de
cigarettes. Une dizaine de petites compressions – ainsi que trois expansions –
jalonnent bien sûr ce parcours ambitieux.
Mais César, qui avait fait les
Beaux-arts, a produit tout autre chose,
à commencer par des sculptures animalières pleines d’humour. Si son bénitier
cerclé de pénis en bronze fleure la blague de potache, on peut déceler une
véritable dimension spirituelle dans cet ascétique Christ en plomb, pièce rare conçue en 1950. Quant
à son Centaure, il est un hommage déclaré à Picasso, son aîné admiré. De nombreuses
photos et articles de presse nous resituent l’artiste dans son contexte
historique et social. Et on lira avec profit les textes ciselés par Giulia
Pentcheff dans le catalogue édité à cette occasion par la galerie. Voilà de
quoi rendre à César son génie propre. Lui qui fut parfois occulté par son
caractère débonnaire et excentrique.
Jusqu’au 12 juillet 2018. Galerie
Pentcheff, 131-133 rue Paradis, 13006 Marseille. Renseignement sur : www.galeriepentcheff.fr
Jacques LUCCHESI
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