Musée Cantini : du bon usage des collections




  Périodiquement les musées, qu’ils soient nationaux ou municipaux, redécouvrent l’importance des collectionneurs privés. Que serait, en effet, le monde de l‘art sans eux ? Car ce sont les collectionneurs  qui, de leur vivant, assurent une bonne part de la subsistance des artistes par leurs achats et leurs commandes. Après leur disparition, cette œuvre - hétérogène mais si personnelle - qu’est une collection d’art appelle souvent la création d’un musée ou d’une fondation pour éviter la dispersion dans les maisons d’enchères. Ce fut le cas pour celle patiemment constituée par l’armateur écossais William Burrell (1861-1958). Riche de plus de 8000 œuvres en provenance du monde entier, elle est depuis 1944 la propriété de la ville de Glasgow. En 1983, elle a ainsi rejoint un bâtiment hautement architecturé, spécialement conçu pour elle dans le parc de Pollok, à une vingtaine de kilomètres de là. 
Mais il en va pour les musées comme pour les fondations : leur rénovation est une condition essentielle de leur survie. Fermée pour travaux jusqu’en 2020 la fondation Burrell, plutôt que de laisser dormir ses trésors dans leurs réserves, a opté pour le prêt aux musées continentaux. En France, c’est le musée Cantini (lui-même issu d’une collection privée) qui a remporté la mise. Encore fallait-il opérer une sélection drastique pour la faire cadrer avec les objectifs esthétiques de la structure d’accueil.

 En se limitant à une soixantaine d’œuvres représentatives de la peinture française du XIXeme siècle, c’est à un retour aux sources de l’art moderne qu’invite cette exposition. Si Courbet, Degas et Cézanne lui donnent son intitulé, on trouve bien d’autres maîtres, petits et grands, de cette longue période qui, entre réalisme et impressionnisme, a révolutionné notre regard sur l’art. Du reste, il s’agit moins ici d’un découpage théorique que d’une promenade à travers l’imaginaire de ces peintres souvent en rupture de ban avec les institutions de leur temps. Ce fut bien sûr le cas pour Gustave Courbet dont on appréciera le caractère social d’une toile comme  L’aumône d’un mendiant à Ornans (1868) ; ou encore de La servante studieuse  de Théodule Ribot (1871) qui en dit long sur le caractère transgressif du désir de savoir dans les classes populaires d’alors. A moins qu’on ne préfère ce magnifique Jambon peint par Edouard Manet en 1875. La mélancolie l’emporte dans les ambiances sylvestres de Camille Corot et de Jean-François Millet ou les délicates scènes bretonnes d’Eugène Boudin. Quant à Johan Barthold Jongkind, il a mis en peinture l’incessant changement urbain avec Démolition de la rue des Francs-Bourgeois à Paris (1868).



Ce sont là quelques moments forts de cette exposition qui, sans être vraiment originale, nous permet de revisiter agréablement nos fondamentaux. Et nous rappelle – vertu des échanges internationaux – combien la peinture française reste prisée à l’étranger. 

Jusqu’au 23 septembre 2018. Musée Cantini, 19 rue Grignan, 13006 Marseille
                                                                                         
Jacques LUCCHESI

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