La vitalité des Rencontres d’Arles



 Comment désormais imaginer Arles sans les Rencontres Internationales de la Photographie qu’elle accueille chaque année depuis 1970 ? Certes, la cité rhodanienne est riche de son passé romain et de ses vestiges millénaires. La corrida est une autre de ses identités, même si elle divise autant qu’elle rassemble aujourd’hui. Mais la photographie fait l’unanimité et lui a apporté, au fil des ans et des décennies, une ouverture sur l’international qu’elle n’aurait jamais eu sans cela. C’est ainsi que la Chine organise à présent chez elle des Rencontres d’Arles  bis, à l’instar de la marque Louvre  qui s’exporte dans le monde entier.
Une telle réussite est aussi un défi pour ses organisateurs – Sam Stourdzé en tête – car ils doivent, année après année, justifier leur réputation de plus grand festival européen de la photographie. Et continuer d’attirer ici des milliers de touristes étrangers qui, sans cela, n’auraient peut-être jamais fait le détour par Arles.
Cette année encore, ce sont 36 expositions qui ont été programmées en différents lieux de la ville, dessinant un parcours subtil avec ses repères habituels et ses nouveautés. Plusieurs thématiques s’entrelacent : l’homme augmenté (Matthieu Gafsou à la Maison des peintres), Mai 68 avec de très nombreux clichés et slogans d’époque (salle Croisière) ou l’Amérique vue par des photographes européens.
Arrêtons-nous un peu sur les expositions jumelées de Robert Frank et de Raymond Depardon à l’Espace Van Gogh. Leurs clichés en noir et blanc peuvent, pour certains, renvoyer à la préhistoire de la photographie, eu égard aux possibilités introduites par le numérique depuis. Pourtant, face à leur approche kaléidoscopique de la rue américaine, on est sans doute au plus près de la vérité de cet art, à savoir le témoignage instantané, parfois sublime parfois raté, mais toujours sincère. Car la photographie est à jamais liée à la réalité sensible et ses aléas infinis.
Evidemment, un professionnel aguerri peut facilement composer des chimères – comme les chiens humanisés de William Wegman au Palais de l’Archevêché. Il peut aussi manipuler argentique et numérique pour un résultat parfaitement formaté mais parfaitement impersonnel aussi – comme les balcons de Baptiste Rabichon au cloître Saint Trophime. Mais quelle émotion peut en retirer le spectateur qui les contemple, sinon l’ironie d’un sourire en coin ?
De l’émotion, heureusement, il y en avait à revendre dans les expositions conjointes de Jane Evelyne Atwood et Joan Colom (salle Croisière), méditation sur les visages de la prostitution dans l’espace public, à Paris et à Barcelone. Ou encore dans The last Testament, l’exposition de Jonas Bendiksen à l’église Sainte Anne sur la recrudescence des nouveaux Messies dans le monde. Une mention également pour Serge Assier qui, parallèlement à ces Rencontres, expose à la maison des Associations, les fruits d’un demi-siècle de rencontres et de bonheurs photographiques.
La photographie ou la description imagée, raisonnée, obstinée du monde tel qu’il va.

Jusqu’au 23 septembre 2018. Tous renseignements sur: rencontres-arles.com





Jacques LUCCHESI

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