Hôtel de Caumont : les grands maîtres du Japon









 En ce début du XXIeme siècle, nous autres occidentaux n’avons plus d’Orient pour rêver aux fastes d’une civilisation plus raffinée que la nôtre, voire à un monde plus près des origines de l’humanité, mais nous avons encore le Japon. Pas la troisième économie planétaire, celle de Sony et de Toyota, des robots de compagnie et des hologrammes de chanteuses pour teenagers ; plutôt le pays des monts enneigés, des cerisiers en fleurs, des temples shintoïstes, des geishas et des samouraïs. Bref, un Japon qui n’existe plus que pour les nombreux touristes qui le visitent chaque année ; un ensemble de mythes et de figures codifiés par une tradition qui, ainsi, se perpétue et continue de s’exporter de par le monde.
Cet engouement pour le pays du Soleil Levant, qui a fécondé quelques-uns des meilleurs esprits du XXeme siècle (Debussy, Puccini, Barthes entre autres), nous le subissons encore aujourd’hui. C’est d’ailleurs moins par le cinéma et la littérature que par la peinture que nous continuons à nous en faire une image essentialisée.
J’en veux pour preuve l’intérêt suscité, dès son annonce, par l’exposition que l’Hôtel de Caumont consacre aux grands maîtres de la peinture japonaise. Ceux-là se nomment Hokusaï, Hiroshige et Utamaro mais, en arpentant avec attention les huit salles de ce parcours, on découvrira bien d’autres maîtres moins célèbres de la gravure et de l’estampe. Prêtées par Georges Leskovicz, les cent cinquante œuvres sur papier (auxquelles il faut rajouter de nombreux objets usuels et rituels) représentent à peine un dixième de sa magnifique collection. Elles dessinent une vision quintessenciée de ce que fut la vie du peuple nippon durant l’époque Edo – entre 1600 et 1867. Les thèmes de cette esthétique sont relativement bien connus : exaltation des forces naturelles, légendes, exemples moraux, portraits d’acteurs et de geishas, animaux de différents règnes, mais aussi des évocations d’événements historiques comme la bataille du Nouvel An et les 47 Ronins. Sans oublier la part de l’érotisme le plus cru qui fait ici l’objet d’un stand soigneusement voilé.
 Au-delà des différences stylistiques propres à chaque artiste, ce qui tend à unifier cette peinture c’est sans doute le caractère très cadré, quasi photographique, de ses sujets. Tandis que dans certains portraits, la finesse du trait et de la couleur les élève à une semi-abstraction. Parmi les autres curiosités qui attendent les visiteurs de cette exposition, signalons une superbe armure de samouraï ainsi qu‘un atelier de composition, étape par étape, d’une gravure traditionnelle qui prend un peu l’allure d’un « work in progress ». Mais le point culminant est sans doute, dans la dernière salle, ce dispositif de projection qui reproduit sur les murs la fameuse Vague d’Hokusaï, nous donnant ainsi l’impression d’être ballottés par le flot impétueux.

Entre érudition et immersion sensitive cette exposition, particulièrement bien scénographiée par Hubert Le Gall, constitue certainement la plus belle initiation à la peinture japonaise que l’on ait vue depuis longtemps dans nôtre région.    

Du 8 novembre 2019 au 22 mars 2020. 3 rue Joseph Cabassol, 13100 Aix-en-Provence. Tous renseignements sur : www.caumont-centredart.com

Jacques LUCCHESI

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