Maison Buon : Ce que pensent les hommes





 Il fut un temps  où la photographie tirait sa valeur de son caractère événementiel. On faisait une ou des photographies à l’occasion d’un voyage, d’un mariage ou même d’un repas en famille. Et, bonnes ou mauvaises, elles subissaient toutes l’épreuve du tirage sur papier. Mais aujourd’hui, avec la prolifération des Smartphones dans notre vécu quotidien, les photographies (réduites à une pression sur une touche) sont en perpétuelle inflation, ne sortant d’ailleurs plus guère des fichiers où elles sont enregistrées. Car la technologie, qui a hissé la photographie au rang d’art, même moyen, est en train, par sa banalisation extrême, de la vider de toute sa dimension artistique.
C’est sans doute pour lutter contre ce processus fatal et redonner un peu de noblesse à l’acte photographique que l’association Arts Marseille a organisé, à la maison Buon, une exposition collective qui croise les styles et les techniques. Un thème pour tous et pour toutes : ce que pensent les hommes. On imagine facilement que la femme y figure en bonne position. On ne sera donc pas étonné de voir celle-ci célébrée sous tous ses aspects par les dix-sept participants, dont trois femmes (Elea Ropiot, Véronique Loh et Julie Amigues-Mayer)


Que ce soit à travers le portrait, le plan large, la citation humoristique ou la métonymie érotique, les différences sont sensibles, mais elles s’harmonisent et participent à la qualité de cette sélection. A regarder attentivement les œuvres exposées, on peut même discerner des convergences d’inspiration (les lèvres féminines pour Patrick Andruet et Patrick Amsellem,les jeux de drapés vaporeux pour Véronique Loh et Jean-Michel Rousvoal). La couleur numérisée sert ici le noir et blanc et ses infinies nuances : c’est le cas pour les scènes de vie fixées par Hannibal Renberg  qui ne sont pas sans évoquer l’univers de Doisneau. Quant à Henri Berthe-Chiocca, invité d’honneur de cette exposition, on appréciera certainement le détournement malicieux qu’il a fait dans son bar de la marine. En l’absence de titres, les petits poèmes intercalaires d’Eric Weber apportent ici la part des mots. Bref, ces photos  se contemplent comme de véritables tableaux et c’est encore le meilleur compliment qu’on puise leur faire.

Jusqu’au 31 janvier. Casa Buon, 84-86, rue Grignan, 13001 Marseille.

Jacques Lucchesi

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