Si, au cours d’un micro-trottoir, on demandait
à un échantillon de nos concitoyens de citer quelques peintres espagnols du
XXeme siècle, Picasso arriverait sûrement en tête, suivi sans doute par Dali et
peut-être par Miro. Mais je doute fort qu’on y prononcerait le nom de Joaquin Sorolla (1863-1923). Il est
vrai que par sa naissance et sa période d’activité, Sorolla appartient autant à
la génération précédente, celle des Impressionnistes et des Fauves, guère
après. De l’autre côté des Pyrénées, il est pourtant tenu pour un peintre
majeur, que d’aucuns n’hésitent pas à comparer à Vélasquez et à Goya, deux de
ses illustres maîtres. Ses œuvres sont depuis longtemps dans les plus grands
musées ibériques, mais aussi dans des collections privées américaines. Et si,
au cours de ces récentes années, elles ont bénéficié d’expositions
internationales, jamais encore elles n’avaient été présentées dans notre
région.
Il revient encore une fois à
l’hôtel de Caumont d’avoir comblé cette lacune avec Joaquin Sorolla, lumières
espagnoles, l’édifiante exposition qu’il lui consacre en cet été 2020
si particulier. Placée sous le commissariat de Maria Lopez Fernandez (docteure
en histoire de l’art), elle rassemble une sélection importante des tableaux et
de dessins du peintre valencien.
Dès les deux premières
sections on mesure l’importance qu’avait pour lui sa famille. Outre quelques
autoportraits et un portrait surprenant du grand neurologue espagnol Santiago
Ramon y Cajal – prix Nobel de médecine en 1906 -, la plupart des œuvres
présentées sont consacrées à son épouse Clotilde et à ses enfants. Certes, le
clair-obscur dans lequel baigne un tableau comme La famille (1901) peut à juste titre faire songer aux célébrissimes
Ménines de Vélasquez. Mais, comme on
le découvre dans les sections suivantes, avec les scènes de plage, la carnation
des visages et l’exaltation de la lumière pourraient rapprocher Sorolla de
Renoir. On appréciera tout particulièrement, pour son regard original, cette
huile représentant en contre-jour sa fille (Maria
sur la plage de Biarritz, 1906).
Cette fascination pour le
soleil et les bords de mer est certainement une constante dans l’œuvre peinte
de Sorolla. Les éléments naturels en sont les véritables sujets, qu’il peigne
les vagues ou le vent dans les voiles des barques de pêcheurs. Et si l’activité
humaine prend parfois le pas sur les jeux estivaux, elle n’en est pas moins
prétexte à des combinaisons d’une rare richesse chromatique. C’est notamment le
cas pour l’un des derniers tableaux montrés ici, Reflets sur le cap, Xabia 1905, quasi abstrait et qui n’a rien à
envier, par la chaleur de sa palette, à
ceux que peignaient à la même époque Matisse
et Derain à Collioure. Un contemporain de Sorolla – l’écrivain espagnol Vicente
Blasco Ibanez – parlera, à propos de lui, de « couleur ravie à la nature ».
C’est pour toutes ces raisons
(plus quelques autres que l’on découvrira in situ) qu’il faut aller voir cette
exposition dans le cadre feutré de l’hôtel de Caumont. Car elle est de celles
dont la beauté dispense une vraie leçon de bonheur.
Jusqu’au 11 octobre 2020. 3 rue Joseph Cabassol, 13100
Aix-en-Provence.Tous renseignements sur :www.caumont-centredart.com
Jacques LUCCHESI
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