Depuis combien d’années n’avait-on pas eu le
plaisir de voir, à Marseille, une exposition consacrée à André Masson
(1896-1987) ? Je ne saurai exactement le dire, mais je rends grâce à la galerie
Pentcheff d’avoir remis, pour deux mois, cet artiste majeur sous les feux de
l’actualité. En offrant au public marseillais une sélection de quatre-vingts de
ses œuvres (qui couvrent plusieurs décennies), elle réaffirme la pertinence de
ses choix artistiques sur la durée. Car la trajectoire d’André Masson est
indissociablement liée aux avant-gardes du XXeme siècle, comme le Surréalisme et
la revue Acéphale. Elle embrasse aussi les moments les plus sombres de notre
histoire récente, même si Masson pût, avec quelques autres, échapper dès 1941
au joug nazi qui pesait alors sur la France.
Organisée
selon une approche chronologique, cette exposition débute par des œuvres
illustrant la période cubiste de Masson (comme Femme tenant un oiseau,). Suivent des huiles et des œuvres sur
papier qui montrent son intérêt pour les formes animalières (Les coqs), mais surtout les sujets
littéraires (Massacre, Orphée et les ménades, Don Quichotte et les
enchanteurs). Ses aquarelles et ses encres des années 30, sans renoncer à
la figuration, explorent une voie plus elliptique, avec un trait d’une grande
finesse qui sait aussi se faire plus oppressant (La guerre, 1943). Plus tard, son style va encore s’épurer, se
rapprochant de l’idéogramme et de l’écriture musicale (Migrations). Un retour assez net à l’abstraction s’opère dans les
années 60, prenant parfois l’allure de figures totémiques (Les adorants, 1961). Ce qui nous rappelle l’influence de la
psychanalyse et de l’ethnologie dans son processus créatif.
Il
faut souligner la flamboyance de sa palette (association du noir et du rouge,
en particulier) dans des œuvres comme Autoportrait
au chevalet ou Orage dans la
nuit. Et savourer cet autre aspect de sa création dans les cinq sculptures en
bronze exposées ici, où l’on retrouve en trois dimensions un même imaginaire de
la métamorphose (Arbre femme, femme luminaire, 1974). Du grand art, celui qui
nourrit l’esprit de ses regardeurs, en une époque où tant de postulations
artistiques ne cherchent qu’à les distraire.
Jusqu’au 15 juillet 2022.
131 rue Paradis, 13006 Marseille. Tel : 04 91 42 81 33
Jacques LUCCHESI
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