Hôtel de Caumont : Max Ernst, mondes magiques, mondes libérés

 






Un grand artiste est, à l’instar de chacun de nous, façonné mentalement par les idées de son époque. Mais il apporte en plus un univers personnel, fait d’images intimes, de mythes et de légendes aussi qui appartiennent à un autre temps, un autre imaginaire. Ce fut le cas pour Max Ernst (1891-1976), artiste allemand étroitement associé au Surréalisme mais qui conviait dans ses tableaux la culture grecque classique et la tradition germanique. Sa vie épousa les soubresauts d’un XXeme siècle marqué par deux guerres mondiales et le contraignit plusieurs fois à l’exil, d’abord en France puis aux USA, sans que jamais sa prodigieuse créativité ne l’abandonnât. Des rencontres successives avec d’autres grands créateurs de son temps (Jean Arp, Paul Klee, Joan Miro Alberto Giacometti) lui ouvrirent de nouveaux horizons, comme l’illustration, la décoration et la sculpture. Mais il sut se les réapproprier en y inscrivant la marque de son génie propre. Il créera ainsi, dès 1925, la technique du frottage, mine de plomb sur une feuille de papier posée sur des surfaces rugueuses pour en laisser surgir des figures aléatoires.

C’est ce polymorphisme flamboyant qui est au cœur de la belle exposition que lui consacre, en ce printemps 2023, l’hôtel de Caumont d’Aix-en-Provence. Cent vingt œuvres, pour la plupart prêtées par des musées et des collections privées, composent un parcours qui rappelle aux visiteurs l’étendue de ses dons. Avec une insistance justifiée sur la dimension visionnaire de sa peinture – cet œil intérieur qu’il ne cessa d’exalter. D’où ces créatures animales hybridées à la forme humaine qui reviennent si souvent dans ses tableaux et ses dessins : en particulier l’oiseau, symbole d’absolue liberté et traditionnellement associé à l’âme. Figure qui culmine sans doute dans Le monuments aux oiseaux, un des fleurons du musée Cantini présenté ici. On le retrouve aussi dans la section consacrée aux quatre éléments (air, feu, eau, terre), thème cher à la peinture classique et qu'il aborde avec son audacieux sens du mystère (Forêt et colombe, Le roi des Aulnes).

Si Max Ernst, au cours de sa longue carrière, s'est forcément colleté à l'abstraction et au cubisme – comme en témoigne Un tissu de mensonges, belle et vaste huile sur toile de 1959 -, c'est néanmoins dans la figuration que son trait s'est épanoui. Mais une figuration libérée de toute allégeance à la réalité, parfaitement dans l'esprit surréaliste. Ainsi en va-t'il pour Le jardin de France (huile sur toile, 1962), avec son allégorique vision féminine de la Loire ; ou encore le sémillant Fête à Seillans (1964), tableau semi-abstrait de sa dernière période quand, revenu en France, il coulait des jours heureux auprès de Dorothéa Tanning.

En contrepoint des nombreux tableaux et dessins présentés ici, une section est cons
acrée à sa statuaire, plats en argent et sculptures en bronze, épurées, quasi abstraites, qui évoquent, comme
Le roi jouant avec la reine, d'antiques formes totémiques.

Une exposition qui a tout pour devenir l'un des grands rendez-vous artistiques de l'été 2023 en PACA.


Du 4 mai au 8 octobre. Ouvert tous les jours de 10H à 19H. Hôtel de Caumont, 3 rue Joseph Cabassol, 13100 Aix-En-Provence


Jacques Lucchesi


























































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